Devoir de mémoire...
Quand j'ai choisi ce livre, je m'apprêtais à lire un livre plutôt difficile... Pas tant sur le plan de l'écriture que celui du sujet en soi.
Un livre qui traite de la Shoah, de la déportation, des camps de la mort, des fours crématoires, de la guerre et de son lot d'horreurs...
Le bouquin ne s'annonçait pas ultra gai ! Au moins, je n'étais pas prise au dépourvu.
Le pitch :
Ce livre est sans conteste l'un des témoignages les plus bouleversants sur l'expérience indicible des camps d'extermination. Primo Levi y décrit la folie meurtrière du nazisme qui culmine dans la
négation de l'appartenance des juifs à l'humanité. Le passage où l'auteur décrit le regard de ce dignitaire nazi qui lui parle sans le voir, comme s'il était transparent et n'existait pas en tant
qu'homme, figure parmi les pages qui font le mieux comprendre que l'holocauste a d'abord été une négation de l'humain en l'autre.
Si rien ne prédisposait l'ingénieur chimiste qu'était Primo Levi à écrire, son témoignage est pourtant devenu un livre qu'il importe à chaque membre de l'espèce humaine d'avoir lu pour que la nuit et le brouillard de l'oubli ne recouvrent pas à tout jamais le souvenir de l'innommable, pour que jamais plus la question de savoir "si c'est un homme" ne se pose. De ce devoir de mémoire, l'auteur s'est acquitté avant de mettre fin à ses jours, tant il semble difficile de vivre hanté par les fantômes de ces corps martyrisés et de ces voix étouffées. --Paul Klein
Mon point de vue :
Evidemment, ce bouquin ne m'accompagnerait pas sur une île déserte si je devais -demain- partir m'isoler avec 6 livres pour me tenir compagnie.
Néanmoins, je suis contente de l'avoir lu.
Pour tout ce que j'ai déjà dit plus haut, pour ce devoir de mémoire...
Alors que dire de ce livre ?
Le pitch est explicite... et néanmoins, j’ai du mal à organiser ma réflexion.
La première phrase est lourde : «J'ai eu la chance de n'être déporté à Auschwitz qu'en 1944». C'est évidemment la confrontation du sens des mots chance et déporté qui me frappe.
Et alors, beaucoup de choses me sont venues à l’esprit au cours de cette lecture :
L’intelligence de l’auteur :
Primo Levi sort du cadre… et emmène le lecteur avec lui, il faut comprendre que la bataille à livrer est contre tout et non plus contre tous… Il fallait même se battre pour lutter contre les éléments naturels, contre l’hiver qui en terrassait plus d’un.
«Nous avons lutté de toutes nos forces pour empêcher l'hiver de venir. Nous nous sommes agrippés à toutes les heures tièdes ; à chaque crépuscule nous avons cherché à retenir encore un peu le soleil, mais tout a été inutile. Hier soir, le soleil s'est irrévocablement couché dans un enchevêtrement de brouillard sale, de cheminées d'usines et de fils ; et ce matin, c'est l'hiver.»
C’est terrible.
Son analyse des volets ‘social’ & ‘comportemental’ :
Plus qu'un simple témoignage sur les camps de concentration, "Si c'est un homme" est une vraie réflexion sur la nature humaine et sur ce qui la définit car dans l'enceinte du camp Levi décrit la constitution d'un mini système économique et social semblable au notre tandis qu'en parallèle il traite de la perte progressive de toutes valeurs et de toute dignité humaine.
Aucune solidarité entre les hommes, chacun sa peau ! On peut aussi se poser la question de la part de l’inné et de l’acquis dans la lutte pour la survie ?
Comment un seul homme a pu en amener autant à en détruire d’autres au sens le plus singulier du terme. C'est bel et bien cette réflexion sur ce qui fait de nous des hommes qui constitue le cœur du récit et en même temps son aspect le plus intéressant.
Le ton & le style du livre :
Pas de fioriture dans ce récit.
Aucune poésie, seulement ce qui fut vécu et ressenti : la souffrance, la haine, la destruction de l'homme socialisé, mais jamais de liberté. Celle-ci apparaît vaguement en fin d'ouvrage, lorsqu'une fente est percée dans les barbelés du camp, et que 400 mètres plus loin se trouve un silo de pommes de terre. La libération du camp par les Russes ne fut pas synonyme de liberté. Elle ne fît pour Levi que marquer le début d'une autre vie, une vie qu'il faudrait vivre avec ça.
Si j'étais provocatrice (et je le suis un peu OK) je demanderai volontiers à Nancy Huston qu'elle nous explique la part de fiction dans cette histoire...
Bon bah…. Voilà, j’ai fait court non ?