Tu verras de Nicolas Fargues
Ma rencontre avec ce roman :
Une bonne copine qui me l’a recommandé quand je lui ai demandé ce qu’elle me conseillait d’emmener dans ma valise pour les vacances.
L'auteur ou ce que j'en sais :
Nicolas Fargues est né en 1972. Enfance au Cameroun, au Liban puis en Corse. Études de lettres à la Sorbonne. Deux ans de coopération en Indonésie, retour à Paris, petits boulots, publication en 2000 du Tour du propriétaire. Il a deux enfants et vit actuellement à Paris.
J’ai lu One man show, que j’avais trouvé pas mal, très lucide aussi dans sa manière de traiter son sujet, mais que dans l’autodérision et sans vraie émotion.
L'histoire ou ce que je veux en dire :
Clément,12 ans, meurt brusquement et c’est toute la vie de son père qui s’en trouve radicalement retournée.
Mon avis sur la question :
Le roman s’articule autour d’un drame : le narrateur vient de perdre son fils de 12 ans, Clément, de manière brutale et comme il le répète « le ciel m’est pour toujours tombé sur la tête ». mais ce n’est pas qu’un roman sur comment faire le deuil de son enfant.
Pour le narrateur, au-delà de la douleur incommensurable d’une telle perte, c’est aussi l’occasion de faire une sorte de bilan de l’éducation qu’il a reçue (des parents divorcés, un père qui préférait voir ses maîtresses plutôt que ses enfants…), reflet de l’époque dans laquelle il vit.. Car le narrateur est rongé par une culpabilité dont cette perte va mettre les racines à jour. Douze ans, c’est le début de l’entrée dans l’adolescence, l’affirmation de la personnalité de son enfant, les prémices de la rébellion. Et comme cet affrontement n’aura jamais lieu, c’est lui-même et ses certitudes sur la paternité ainsi que la manière de transmettre ses valeurs que le narrateur affronte et interroge.
C’est un livre direct, sans pathos ni grosses ficelles.
L'image qu'il me restera de ce roman
:
Moi qui, un peu moins de trente ans plus tard, à bientôt quarante ans, constatais qu’être père d’un garçon, c’est non seulement ne pas supporter de reconnaître chez son fils ses propres défauts, mais également reproduire avec lui exactement les mêmes erreurs commises avec vous par votre père, et ce malgré toute votre volonté de bien faire et de déjouer les mauvais atavismes.
Une phrase du roman qui donne le ton:
« Ne te plain pas trop, une belle-mère, ce n’est pas quand même pas la mort, les trois quart de tes copains en ont une (…) », je me suis hypocritement irrité face à Clément chaque fois qu’avec sa pudeur et sa maladive indécision d’enfant de divorcés, il tentait de me faire deviner qu’il aimerait bien passer davantage de temps seul avec moi, sans Caroline.
Trois mots pour définir ce livre :
Émouvant
Dérangeant
Stimulant
Le mot de l'éditeur :
Nicolas Fargues raconte que, sur le périphérique, un dimanche, ses deux fils étaient assis à l'arrière de la voiture et une station de radio a passé Don't Matter, d’Akon, une chanson qu'il
n'avait jamais entendue jusque-là. Comme elle ne lui plaisait pas, il a voulu changer de fréquence. Mais son fils aîné, qui connaissait les paroles par cœur, l'a supplié de lui laisser l'écouter
jusqu'au bout. Dans les semaines et les mois qui ont suivi, Nicolas Fargues a entendu le morceau à plusieurs reprises sans pour autant l'apprécier davantage. Mais puisque désormais il était
immanquablement associé à l'image de son garçon, il l'a lui aussi, chaque fois, écouté jusqu'au bout.
Un matin, son fils a quitté l'appartement pour l'école comme chaque jour, en lui faisant un signe de la main puis en se retournant, avec son énorme cartable sur le dos et son jean baissé jusqu'à
mi-fesses. Attendri, Nicolas Fargues a eu cette pensée étrange et en même temps irrépressible que si son fils venait à mourir brutalement au cours de la journée, il ne pourrait plus jamais
écouter cette chanson d'Akon qui ne l'émouvait pourtant pas plus que cela. C'est d'imaginer tout ce qu'il pourrait ressentir qui a été le point de départ de ce roman non autobiographique qui, sur
un ton proche de son roman J'étais derrière toi (2006), adopte cette fois le motif de l'enfance pour parler d'amour et de solitude.