C'est beau le don d'écrire ainsi !
Cette manière de jongler avec le vocabulaire, de donner de la noblesse au verbe et du sens aux mots . C'est ce qui saute aux yeux dès les premières pages, l'importance du mot choisi, de la musicalité de la phrase et du sens que l'on donne à tout ça !
Et puis il y a la griffe, la signature en une syntaxe, la plume qui ne ressemble à aucune autre, et c'est suffisamment rare pour être salué.
Le sujet est audacieux voire carrément casse-gueule, l'histoire d'une greffe cardiaque en 24hrs chrono.
Simon a 19 ans, il sera le donneur, Claire en a 50, elle attend un coeur pour remplacer le sien qui la lâche. Entre Simon
et Claire, il y a les autres, ceux qui soignent, ceux qui espèrent, ceux qui pleurent, ceux qui réconfortent, ceux qui travaillent, ceux qui souffrent et ceux qui aiment. Histoire d'une greffe,
disions-nous ? Histoire de la vie, disons plutôt.
Juste impossible à lâcher malgré la charge émotionnelle, magistralement maîtrisée, qui m'a parfois donnée envie d'aller
respirer ailleurs ... ailleurs que dans cet hôpital et loin de cette mère qui vit le cauchemar absolu.
Mais voilà, il y aussi ce message d'espoir, cet appel à la vie, cette ultime chance offerte à d'autre, cette philosophie
ancrée dans l'idée même du don d'organe, et puis il y a surtout les mots de Kerangal, parce que quand même
quelle auteure !!! Ces mots, cette limpidité à dire les choses , à faire ressentir l'indicible, c'est beau, c'est du grand art, et c'est bien l'admiration qui m'aura permise de supporter
l'émotion de la première partie du roman.
Si la seconde partie du roman n'a pas la même intensité ni la même charge émotionnelle, son approche du sujet n'en
est pas moins intéressante , cette manière de raconter une greffe en englobant la vie de tous ceux qui gravitent autour, en passant de l'anecdotique à l'essentiel, de la vie à la mort, du grave
au léger, c'est intelligent, sensible et pertinent. Maylis de Kerangal orchestre ses personnages à la manière d'un roman choral, dans lequel chacun va jouer sa partition pour donner corps à une
symphonie humaine qui fait la part belle à ce qui fait écho en nous.
C'est captivant, bouleversant et admirable ! A lire, à relire et à offrir !
Je terminerai en remerciant Anne-Charlotte dit Boulie pour avoir éveillé ma curiosité et m'avoir ainsi donnée l'occasion de lire ce magnifique roman.
Le mot de l'éditeur :
Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps.»
Réparer les vivants est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d'accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l'amour.