A l'heure où la blogosphère connait quelques séismes, j'ai moi-même bien failli laisser Les 3 bouquins enseveli sous une tonne de gravas.
Et oui, qui n'a jamais tenté cette étrange aventure bloguesque ne peut s'imaginer la place qu'elle finit par occuper dans l'existence de chaque blogueur, et l'envie inéluctable qui se présente forcément à un moment de vouloir tout balancer, de préférence de manière brutale et irréversible !
Et puis je me suis souvenue ...
d'un désaccord passionnant avec une certaine Attila sur "Voyage au bout de la nuit" et de l'importance que nos discussions littéraires ont pris pour moi depuis,
de la nécessité d'écrire un billet après une lecture comme pour accoucher de tout ce qui avait bouillonné à l'intérieur pendant des jours,
de ces petits échanges qui enrichissent la lecture et font en sorte qu'elle ne soit jamais vraiment terminée,
et puis bien sûr de la découverte de livres que je n'aurais jamais lu sans Les 3bouquins, je ne compte plus les chemins livresques qu'Attila m'a fait prendre (parfois à mes risques et périls) et puis là dernièrement ...
C'est à Galéa que je dois la fabuleuse découverte d'Aurélien d'Aragon. Alors merci, merci et encore merci Galinette, curieusement je n'avais jamais entendu parler de ce roman avant toi.
Moi qui ne suis pas une grande lectrice de roman d'amour, j'ai dévoré celui-ci, parce qu'il casse tous les codes, nous épargne tous les clichés et au final nous parle d'amour comme peu l'on fait.
_"D'abord, qu'est ce que c'est que l'amour" ?
_ C'est pas des questions. On aime ou on n'aime pas ...
_ Tout de même, si on se trompait ... s'il n'y avait pas d'amour"
Aragon écrit avec Aurélien un roman sur l'impossibilité du couple, sur ces histoires d'amour qui finissent mal en général, il n'y a pas d'amour heureux écrivait Aragon et le roman brille de ce constat là, mais rien de nouveau à l'ouest me direz vous puisque les plus grands romans d'amour sont toujours des tragédies.
Oui et pourtant Aurélien c'est autre chose !
Parce que si Aurélien est un roman sur l'amour ou la quête de l'amour idéal, Aragon prend le parti de l'inscrire dans le réel (sans rien idéaliser) et dans un mouvement littéraire surréaliste (qui s'attache aux pensées et aux impressions des personnages et non aux descriptions détaillées des faits) et c'est ce qui frappe dans ce roman. La finesse psychologique, la justesse des sentiments, le caractère des personnages qui n'ont rien de commun avec ces héros romantiques fort, courageux, beaux et tout droit sorti d'un monde idéalisé auquel on peut rêver mais difficilement s'identifier, imaginez un peu une histoire d'amour dont l'héroïne n'est même pas un canon de beauté !!
Et puis Aurélien n'est pas seulement une histoire d'amour puisque qu'Aragon a coutume d'inscrire la petite histoire dans la grande, c'est aussi le roman d'une époque à travers ce jeune homme qui rentre de la Grande Guerre et qui ne se sent plus à sa place dans la société, dans sa vie; et dans la quête de l'amour, il y a aussi la quête de soi au travers de ces années folles et jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Et bien sûr il y a Paris, presque un personnage à part entière, dont on sent l'amour inconditionnel de l'auteur pour cette ville qu'il a dû fuir pendant la guerre et qui a dû terriblement lui manquer. Paris vu et raconté par Aragon c'est un pur bonheur pour qui aime la ville lumière autant que moi.
Et évidemment il y est aussi question de l'art, tous les grands artistes de l'époque sont présents avec quelques anecdotes savoureuses, un regard aiguisé sur la littérature, l'omniprésence de la peinture et des figures mythiques allant de Picasso à Cocteau en passant par Gide .
Et puis surtout Aurélien est un grand roman au style élégant qui offre de multiples niveaux de lecture, selon son âge, son vécu, son érudition, son attachement plus ou moins fort à Aragon ... Autrement dit un roman dont je sais déjà qu'il a encore beaucoup de choses à m'offrir lorsque le moment sera venu de le relire.