Choqué, indigné, attristé, atterré et autres mots en "é", nous sortons tous d'un mercredi pas comme les autres qui nous aura laissés un peu k.o et nous aura rappelés (pour ceux qui l'auraient oublié !), que l'homme est un loup pour l'homme et que nous sommes bien peu de choses ma pauv'dame !!
Alors oui le monde tourne mal et les hommes sont devenus fous et pourtant va tout de même falloir reprendre le cours des choses, à peu près là où nous les avions laissé, parce que - ce n'est pas vous qui me lisez qui me direz le contraire - seule la culture nous sortira de cette merde !
Oui bon ok avec accessoirement un peu d'amour, beaucoup de second degrés et des dirigeants politiques qui prennent enfin les bonnes décisions ... mais ne nous égarons pas, notre créneau, ici, c'est la littérature !!!
Enfin, tout ça pour vous dire quand même que je n'avais pas trop la tête au 3bouquins ces derniers temps et que ce n'est ni "Le square" de Margueritte Duras, ni "Trompe-la-mort'" de Jean Michel Guénassia et encore moins "Bad girl" de Nancy Huston qui m'auront donnée l'envie irrépréssible de reprendre le chemin du blog !!! Non, ceux là je vous en glisserai peut-être deux lignes pour vous dire combien ils ne m'ont "Pas convaincue" ... enfin, on verra, chaque chose en son temps, chi va piano, va lontano !!
Celui qui m'aura donc fait reprendre le clavier, c'est le merveilleux roman de Marie Sizun, La Maison-Guerre.
Nous le savons bien, nous lecteurs assidus, que la rencontre avec un roman tient à d'infimes éléments, le moment, l'humeur, le lieu, la lecture d'avant ...Etc ...
Et là, lire La Maison-guerre, c'était clairement LE moment ! Marie Sizun nous invite avec ce dernier roman à suspendre le temps pour partir à la recherche du temps perdu ... Oui l'ombre de ce cher Marcel plâne indubitablement sur ce roman, et suspendre le temps, c'était bien ce qu'il me fallait, là tout de suite !
L'incipit de La Maison-Guerre est déjà une invitation à partir pour ce doux voyage qu'on appelle la mémoire et dans lequel comme Marie Sizun j'aime me réfugier.
"Quand je suis fatiguée d'ici, des gens et des choses d'ici, c'est là-bas que je retourne. A là maison. Cette maison qui n'existe pas, qui n'existe plus."
Univers Proustien, vous disais-je, avec ses madeleines qui ne tiennent à rien et qui sont pourtant les trésors de l'enfance, avec la grande tante qui mériterait un roman pour elle seule, avec la mère dont on attend tout, qui est tout et dont le manque est une blessure dont on ne guérrit jamais, et puis bien sûr la maison avec ses odeurs, son escalier sombre, son poste de radio et tout un monde qui se créé et qui est celui de la magie et de la solitude de l'enfance.
Roman, dont je ne sais s'il est autobiographique, et pourtant le ton est si juste, le chagrin si perceptible et les souvenirs si puissants que je ne peux croire à une fiction.
Nous sommes en 1944, lorsque Marie qui a 4 ans est conduite par sa mère dans une maison loin de Paris, une grande et belle maison dans laquelle elle sera à l'abri, confiée à de vieilles parentes.
Merveilleux roman sur l'enfance car c'est à travers la perception de la petite Marie qui se souvient que nous prenons la mesure d'une violence souvent muette, d'une période faite de non-dits, de honte, de culpabilité, d'un monde qui s'écroule et dans lequel Marie va se construire avec sa troublante vérité, ses petits bonheurs faits de rien et la résilience d'une maison, tel un refuge, dans laquelle elle reviendra puiser des forces tout au long de sa vie.
Voilà comme Marie Sizun j'aime me rappeler que lorsque c'est trop moche dehors, il y a toujours la possibilité de "ce jeu, délicieux et cruel, les véritables jeux ne le sont ils pas ? On peut le pratiquer partout, dans la foule du métro, ou prisonnier d'un long voyage en train, ou quand, au coeur de la nuit, on se réveille, dans l'étonnement triste de sa vie. Alors, on s'en va, on retourne à la maison. La sienne. La maison secrète. Chacun en a une."
Et puis puisqu'on parle de mémoire, ce roman nous rappelle aussi un certain devoir qu'il ne faudrait pas oublier, le devoir de mémoire aux noms de ceux que nous pleurons encore, victimes de la barbarie et de la terreur subies par un parti d'extrême-droite, devoir de mémoire d'autant plus d'actualité que "le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde."
Force est de constater que le roman refermé, c'est toujours aussi moche dehors !!!
Mais c'est là tout le pouvoir de la littérature, un roman refermé, on peut en ouvrir un autre ... et l'élève m'a clairement donnée envie de suspendre un peu plus le temps avec le maître ... Ne bouge pas Marcel, j'arrive ...