La littérature à l'estomac de Julien Gracq
C'est sur les conseils toujours très avisés d'Attila que je me suis procurée ce petit livre de Julien Gracq, il y était question de littérature ... il ne m'en fallait pas plus pour me convaincre !
Après le petit exercice un tantinet désuet de découper soi-même les pages du livre, on entre dans le vif du sujet avec ce ton un brin querelleur qui perdurera jusqu'à la fin des 70 pages.
Et c'est probablement ce qui m'aura le plus dérangé dans cette lecture. Alors que je m'attendais et me réjouissais de lire une ode à la littérature, j'ai lu le pamphlet d'un homme qui dresse un triste constat de la scène littéraire dans les années 50.
Ce texte fut publié en 1950 dans la revue d'Albert Camus, Empédocle, et fut perçu comme un pavé jeté dans la mare de l'intelligentsia parisienne, Julien Gracq y dénonçait un système de promotion littéraire dénaturant la rencontre entre une oeuvre et son lecteur.
Entendons nous bien, ses propos acides n'en sont pas moins justifiés. Ce n'est certainement pas moi qui contredirais sa vision très lucide des prix littéraires et plus particulièrement du prix Goncourt (qu'il refusera d'ailleurs l'année suivante), ni même l'arrogance du lectorat parisien qui connaît tout alors qu'il n'a rien lu ou bien encore la production à la chaîne que certains auteurs français se pensent obliger de fournir annuellement de peur de se faire oublier de la vie littéraire.
Oui, je partage ce triste constat encore d'actualité mais j'ai ressenti beaucoup trop d'aigreur dans le propos ... sentiment qui me dérange beaucoup !
Et puis et surtout, Julien Gracq qui semble aimer et défendre la littérature ne nous parle pas de son amour pour elle, je m'attendais à relever une dizaine de belles citations pour ma rubrique du samedi, je n'en ai pas noté une seule !
Enfin, et là je sais que je vais déchaîner les foudres d'Attila, je n'ai pas du tout apprécier son style. Des phrases alambiquées qui sont parfois à la limite du compréhensible, des longueurs de tournures qui rendent la lecture un peu laborieuse et beaucoup d'effet de style qui aurait gagné à plus de simplicité. Julien Gracq était très influencé par le surréalisme, courant littéraire qui je n'apprécie pas particulièrement ... ceci expliquerait peut-être cela !!!
Le mot de l'éditeur :
C'est sur cette adhésion donnée dans le secret du cœur que se fonde la prise d'un écrivain sur son public, la " société secrète " qu'il a peu ou prou créée, sur laquelle il n'a que de très vagues indices, et qu'il ne dénombrera jamais (heureusement). C'est par elle seule qu'il est, s'il est quelque chose. C'est là toujours que reviennent s'agacer ses doutes, quand il s'interroge sur le plus ou moins fondé de l'idée singulière qui lui est venue d'écrire ; il intéresse, ce n'est pas douteux, il a un public, une " situation ", on parle de lui, il reçoit des lettres, des coupures de presse - qui sait, il gagne peut-être même de l'argent (que de fantômes obligeants, et remplaçables, autour de sa table de travail, pour rassurer), mais là n'est pas la question ; il y a un " tout ou rien " lancinant auquel il n'échappera pas : a-t-il été, ne fût-ce qu'une brève minute, " un dieu pour eux ", pénétré, ne fût-ce qu'une fois, au cœur de la place, a-t-il provoqué cette sensation insolite, en effet, de " vent autour des tempes ", oui le cœur hésite, les a-t-il suspendus, un instant irrespirable, à ce quite de l'éternité ?