Je ne vais pas vous mentir, Charlotte ne faisait clairement pas partie des romans de la rentrée que je comptais lire.
Non, parce que moi je l'aimais plutôt bien Foenkinos avant. Son petit côté léger, sympathique, son regard assez juste sur les choses et un style ma foi pas déplaisant du tout.
Mais ça c'était avant !
Avant Je vais mieux, ou le récit d'un mal de dos !! Le roman de notre rupture ! Et comme je suis du genre rancunière, je pensais vraiment que Foenkinos ne franchirait plus jamais le seuil de ma bibliothèque ...
Et puis voilà, Pat de Mind the Gap est arrivé, ému et tout chamboulé, criant à qui voulait l'entendre que le dernier Foenkinos était une petite pépite !
Alors j'ai mis ma rancune de côté (oui je sais le faire aussi !), et poussée par la curiosité, j'ai acheté Charlotte !
Les drames et les tragédies offrent toujours la plus fabuleuse des trames romanesques et ce n'est pas moi qui affectionne particulièrement la littérature du chagrin qui vous dirais le contraire.
Avec Charlotte, on y est !
Les traumatismes liés à la shoah hantent la littérature depuis plus d'un demi-siècle, et on ne compte plus le nombre de romans bouleversants qui ont mis en scène la mort et la douleur infinie du deuil.
Foenkinos qui nous avait habitué à plus de légèreté, est ici grave, profond, et extrêmement touchant, et ce n'est jamais gagné d'avance d'aborder ce genre de thématique sans tomber dans les clichés et le larmoyant. Et pourtant là, rien de cela !
Pour moi la réussite de ce roman tient à plusieurs raisons,
Tout d'abord Foenkinos tient un vrai sujet, l'histoire incroyable d'une famille maudite.
Parce qu'au delà de Charlotte, petite fille et dernière descendante de cette famille, il y a une destinée familiale absolument fascinante pour qui croit en ces hasards qui n'en sont pas, à l'idée même de malédiction et au pouvoir tragique de l'inconscient transgénérationnelle.
Tout ça c'est la faute à la Providence, aurait dit le Papet ! Oui certainement, néanmoins personne ne veut croire à la fatalité, cette force obscure qui voudrait nous faire croire que les dés sont pipés d'avance et lire Charlotte, c'est admettre la faille dans nos certitudes bien rationnelles et rassurantes.
Ensuite, mais seulement ensuite pour moi, il y a Charlotte, artiste peintre que l'on suit durant sa très courte vie, marquée par le malheur familial et par la barbarie nazie. Charlotte est juive, allemande et artiste, et malgré son courage, sa jeunesse et sa force intérieure, on sait que tout ça va mal se terminer pour elle.
Foenkinos ne cache pas son obsession et sa fascination pour ce personnage bouleversant et ça donne souvent des romans touchants lorsque les auteurs aiment à ce point leur personnage. On le sent d'ailleurs intimidé et encore troublé par Charlotte Salomon, ce qui crée une écriture pudique mais qui aura hélas mis une certaine distance entre Charlotte et moi.
Et puis enfin bien sûr, pas de roman sans le contexte historique qui fait la dramaturgie de cette histoire. Oui 75 ans après le IIIe Reich, nos auteurs contemporains, qui n'ont pourtant pas vécu cette guerre là, racontent encore et toujours, ces terrible et effroyables pages de la Shoah. Alors évidemment, on peut se dire "un de plus" et pourtant non on ne se le dit pas.
Probablement parce qu'il y a une vraie sincérité de l'auteur, une honnêteté dans la création et dans la nécessité de raconter cette histoire là, que l'angle du vue est assez différent et qu'on y apprend finalement encore des choses sur cette période.
Foenkinos parvient à faire se côtoyer le nazi, dans ce qu'il a de plus abjecte et inhumain, et le Juste, dont le courage et l'insoumission face à la barbarie m'émeut toujours autant, avec beaucoup de pudeur, d'émotion et de puissance narrative, alors même qu'il ne dit finalement pas grand chose, et j'ai particulièrement aimé cette retenue là.
On a beaucoup parlé de la forme de ce roman faite de courtes phrases et visuellement très poétique. Bon, je dirais que oui c'est un peu particulier, suffisamment pour faire parler les bavards mais certainement pas assez pour qu'on ne retienne que cela de Charlotte. L'intérêt du roman n'est clairement pas là, ce serait même presque anecdotique pour moi.
Alors voilà, peut-être pas un très grand roman mais un bon roman sans aucun doute, et puis surtout Foenkinos est moi sommes réconciliés, et ça c'est plutôt une bonne nouvelle, non ?