Oona et Salinger de Frédéric Beigbeder
lu par Edouard Baer
Rendons hommage aux rendez-vous manqués qui peuplent nos imaginaires.
Lorsque ce roman est sorti en septembre, je n’ai jamais été tentée de le lire. Disons qu’entre Beigbeder et moi, ce n’est pas l’amour fou, enfin surtout de ma part parce que lui ne connaît pas mon existence et se fiche bien se savoir qu’il m’insupporte. J’ai abandonné Windows on the world (je crois que je n’avais pas l’âge du public visé) et ai souvent été agacée par Un roman français dont je ne garde qu’un souvenir, celui de la scène où il prend de la cocaïne (à moins que ce ne soit une autre substance) sur le coffre d’une voiture. Le personnage m’énerve, son écriture aussi, bref je partais avec quelques a priori. Sauf que j’avais envie de découvrir la version audio lue par son ami Edouard Baer, dont j’adore la diction et la folie.
Oona et Salinger, c’est en fait un roman sur les deux histoires d’amour d’Oona O’Neill, la réelle, celle qu’elle vécut avec Charlie Chaplin, et celle qui existât surtout dans la tête de Jerry Salinger. J’avais peur que ce roman de Beigbeder ne soit pour lui qu’une manière de justifier sa préférence pour les jeunes filles, mais il ne parle de sa jeune femme quand dans la toute fin du roman et il aurait pu tout aussi bien s’en passer mais j’ai tendance à pardonner à l’auteur amoureux de n’avoir pu s’empêcher de le faire. J’ai beaucoup aimé le prologue dans lequel Beigbeder fait preuve d’autodérision en expliquant pourquoi il s’entoure de jeunes. Et je me suis dit que s’il parvenait à conserver ce ton drôle et ironique, j’allais aimer et c’est ce qui s’est passé. Il m’a fait rire d’emblée avec ses allusions aux expressions qu’il ne peut pas utiliser avec les jeunes, comme ramer comme Gérard D’Haboville et comme on le sait, quand on fait rire une femme… Bien sûr, j’ai parfois été agacée par des phrases comme « Une fille, c’est comme une coffre fort, ça s’ouvre et ça se referme. Il suffit de trouver le bon mot de passe. » ou « Je te prie d’excuser cet excès de correspondance. Depuis que je te connais, je suis envahissant, je suis ton Hitler et tu es ma France ». Mais même ça, j’ai décidé de le prendre au deuxième degré et je pense que c’était le but. J’ai moins aimé les parties sur les camps que la peinture des années 40 mais j’ai été touchée par le portrait de Salinger que brosse Beigbeder parce que jusqu’ici, je l’avais surtout vu à travers les yeux de Joyce Maynard et le résultat est très différent. Même si Beigbeder ne le ménage pas vraiment, on découvre un homme qui n’a jamais oublié son premier grand amour et cet amoureux qui a besoin de croire en quelque chose alors qu’il est à la guerre et qui apprend que celle qu’il aime se marie à un vieux, même si ce vieux s’appelle Chaplin, m’a émue.
Ne nous mentons pas, je ne suis pas sûre que la rencontre entre ce livre et moi se serait faite sans le lecteur. J’ai aimé son ton narquois, sa manière atroce de prononcer les mots anglais (Edouard, dites-moi que vous avez un peu forcé le trait), particulièrement le mot « casualties ». Bref, je crois que je pardonne tout à Beigbeder quand il est servi par Edouard Baer. D’autant que pour moi, l’oral convient bien mieux à ce texte que l’écrit. C’est un livre que je vous conseille d’écouter plutôt que de lire. En aimant ce roman, je sais que je déçois mes amies lectrices qui ont bon goût, et sans doute que je me déçois un peu moi-même.
Pour la petite histoire, je trouve que la fille d’Oona, Géraldine Chaplin, ressemble beaucoup à Oona. Elle a donné à sa propre fille le prénom de sa mère.
Publié chez Audiolib le 13 Novembre 2014 Durée : 5h59- Lu par l’excellent Edouard Baer et l’auteur pour le prologue et la fin. C’est ma première écoute dans le cadre du Prix Audiolib 2015.